Séminaire D&S - Tania Angeloff (UMR DEVSOC) - 26 avril 2024

Résumé de la séance :

Dans le contexte d'une grave pénurie de femmes sur le marché chinois du mariage dans les zones rurales, des dizaines de millions d'hommes parmi les plus pauvres et les moins dotés en capital social et éducatif n'ont pas pu se marier depuis au moins deux décennies. Ce fait social est la conséquence de 30 ans d'une politique démographique très coercitive dite de l'enfant unique, qui a poussé de nombreux parents à choisir le sexe de leur enfant avant la naissance, en favorisant les garçons, et/ou à délaisser les filles. Dans un pays où le mariage reste la norme universelle, ce phénomène a conduit de nombreux hommes à un célibat involontaire, ce qui pose des questions de piété filiale. Cette norme est d'autant plus cruciale qu'il n'existait jusqu'à récemment aucun système de pension dans les zones rurales et que celui mis en place par l'État il y a une dizaine d'années reste très limité. Par conséquent, les parents attendent de leur fils qu'il prenne soin d'eux pendant leurs vieux jours. Quelles sont donc les conséquences d'un célibat non choisi, prolongé ou même définitif, lorsque les fils ne peuvent plus remplir leur devoir de piété filiale ? Comment répondre aux attentes de ses parents et respecter les valeurs familiales qui constituent l'organisation sociale lorsque le célibat est condamné par le reste de la communauté villageoise et de la société ? Comment les parents d'hommes célibataires, également interrogés, envisagent-ils leur propre avenir et celui de leurs fils ? Basé sur une enquête qualitative et sur le concept de " l'économie morale revisitée", cet article vise à répondre à ces questions et à montrer que les stratégies d'ajustement sont parfois implacables.